A partir de 1968, un nouveau centre urbain se développe à Créteil sous la forme de sept quartiers confiés à des architectes différents.
L’architecte Gérard Grandval propose un projet organique et brutaliste pour le quartier proche du palais de justice : un ensemble d’immeubles ronds bordés de balcons en forme de pétales qui seront surnommés quelques années plus tard la Cité des Choux-fleurs.
Une architecture organique disruptive
Gérard Grandval, architecte des anneaux
L’idée de départ de l’architecte est de réaliser cinq groupes de bâtiments comportant chacun une construction en forme d’anneau de six étages avec une rampe de parking en son centre et 3 tours rondes tout autour.
L’architecte imagine des immeubles fleurs avec de grands balcons en béton moulé en forme de pétales qui protégeront les habitants des regards extérieurs. Le but recherché est de préserver l’intimité des locataires et de s’assurer que ces balcons soient bien utilisés.
L’anti-cube
Gerard Grandval, architecte inventeur des maisons-coquilles, détestait l’architecture cubique souvent monotone des barres d’immeubles (en vogue depuis l’après guerre).
Le premier immeuble de 6 étages qui voit le jour sous l’appellation « Dahlia » sera le seul de forme annulaire avec son parking central intérieur au toit végétalisé.
Le bâtiment est édifié à partir d’une structure en béton sans mur extérieur porteur avec des balcons en coque de béton moulé de 7 mètres de large par 2 mètres de haut et d’un poids d’environ 5 tonnes.
Chaque appartement, sans murs parallèles, peut s’apparenter à une forme de part de fromage de Vache qui rit mais l’architecte, beaucoup plus sérieux qu’il n’y parait, intègre au moins un angle droit par pièce.
Le projet rencontrant des difficultés budgétaires est reconfiguré et les constructions suivantes seront 10 tours de formes rondes de 15 étages. Elles conserveront les principes d’architecture du « dahlia » ainsi que les balcons pétales mais sans cour centrale et avec des parkings extérieurs.
Les voies de circulation, l’assemblage des box de parkings et toutes les constructions, y compris les bâtiments de 2 écoles, adoptent une forme circulaire.
Des promoteurs pas tout à fait mûrs
L’architecte avait prévu initialement de planter des vignes vierge dans les balcons de chaque immeuble afin de couvrir les pétales d’une peau végétale qui changerait au gré des saisons.
Ce concept de façades végétalisées, plutôt précurseur pour l’époque, ne verra jamais le jour par crainte des promoteurs que l’entretien des immeubles ne s’avère être trop coûteux et difficile.
La Cité du XXIe siècle
L’ensemble architectural de Gérard Grandval, baptisé à l’origine « Cité du 21ème siècle » avec ses tours nommées « Les épis de maïs » se verra finalement affublé du nom de « Cité des choux-fleurs » suite à une campagne de publicité post soixante-huitarde (du fameux publicitaire Jacques S.) invitant les Parisiens à « venir habiter dans des choux »…
Avec cette communication un peu décalée, la commercialisation des appartements s’avérera particulièrement difficile et la désormais moquée « cité des choux » attendra une dizaine d’années pour voir tous ses appartements habités ou vendus.
Le plan masse original de La Cité du 21ème siècle est très Pop art.
Il évoque aussi beaucoup la peinture de l’artiste Saunia Delaunay et donne le ton d’un projet original et fleural, en phase avec l’époque hippie, qui se verra bridé par les promoteurs immobiliers et connaitra une réalisation semée d’embûches.
La « réhab » des choux
Les constructions vieillissantes à la fin du XXe siècle connaissent une première réhabilitation décidée par la municipalité de Créteil en 1998.
Le « dahlia » à l’origine composé de logements sociaux, est restructuré et une partie des appartements est alors attribuée à des étudiants.
Dans les années 2010 une rénovation est effectuée par l’agence d’architecture Manoïlesco pour aménager 172 chambres étudiantes et 18 logements familiaux.
Quelques mauvaises graines naissent parfois dans les choux et le quartier n’a pas échappé à des trafics de drogue depuis les années 2000, comme dans beaucoup d’autres banlieues.
L’architecture annulaire couronnée
Des balcons brutalistes ultra photogéniques
La forme des tours en épis de maïs comme tous les aménagements annulaires du quartier du palais qui découlent de la pop culture, voire même du « Flower Power », sont visuellement remarquables.
Le chou n’est pas connu pour être hallucinogène mais pour un photographe d’architecture, ce type de constructions d’inspiration végétale, à la fois brutaliste et organique, est très inspirante.
Les balcons pétales sont désormais connus à travers le monde et chaque photographe peut les traiter selon son style et son humeur.
Ma vision en couleur des balcons illustre cet article mais je préfère le shoot en noir et blanc…
Vision douce : une photographie prise sur une face de tour à contre jour, sans la lumière directe du soleil, permet d’obtenir cet effet ouateux plus doux et uniforme.
Vision noire : sur une face exposée à la lumière du soleil, je peux jouer avec les contrastes et durcir à l’extrême l’image pour accentuer l’effet brutaliste du béton.
Une inscription au patrimoine architectural
Clin d’œil de l’histoire, l’ensemble architectural de « La Cité du 21ème siècle » se voit récompensé pour son originalité en recevant le label « Patrimoine du XXe siècle » par le ministère de la Culture en 2008.
Textes et photos ©Thierry Allard
(à l’exception du plan masse de source inconnue)